Chapitre 3

On ment pour cacher un secret, une vérité qui ne doit pas être su, de peur de faire souffrir, de peur d'en souffrir. On dit la vérité, par honnêteté ou parce qu'on y est forcé. L'un dans l'autre, on ne se sent pas mieux pour autant.


Faut-il mentir à ceux qu'on aime ? Pour garder de bons rapports. Pour garder leur confiance ? Chacun à son libre arbitre, mais parfois on regrette les décisions que l'on prend...

Adeline connait les conséquences d'un mensonge. Comment pouvait-elle regarder Helena dans les yeux sans se trahir ? Elle-même ne le savait pas. Helena l'avait accueilli les bras ouverts, alors que tout le monde lui avait fermé leur porte. Et là aujourd'hui, elle faisait comme si de rien n'était.


La voyant silencieuse, Helena demanda un peu inquiète :


- Adeline, tu es là dans ton siège depuis une demi-heure et tu ne dis aucun mot ça ne va pas ?

- Tout le monde ne peut pas voir une vie régler comme du papier à musique fit Adeline d'un ton lasse.


- Ce n'est pas plus mal fit Helena d'un ton neutre. Je vais bientôt commencer le repas. La journée a passé bien vite aujourd'hui, le soleil va bientôt se coucher.

Sans le vouloir Adeline dit sèchement :


- Tu n'en as pas marre de ta vie sans intérêts ?


- Pardon ! S'exclama Helena choquée par la franchise de sa cousine.


- Ne fais pas comme si tu étais sous le choc de mes paroles fit une Adeline nullement gênée par ses propos.


- Ma vie me convient comme elle est. Mentit la blonde en essayant de cacher les tremblements dans sa voix.

- Oh je t'en prie ! Cesse de te cacher derrière ce masque ! Tu fais comme si tout allait bien, alors que tu souffres intérieurement !


Helena fixa sa cousine, cette fille qu'elle ne connaissait pas vraiment. Pour qui se prenait-elle pour la juger ? Elle qui se contentait de vivre des histoires sans lendemain.

La fusillant du regard, Helena si douce habituellement dit d'un ton sec !


- Et toi tu t'es vu ! Tu es en âge de t'assumer, tu gagnes confortablement ta vie et tu loges chez ta cousine que tu connais à peine !


- Je...


- Ne me juge pas Adeline ! J'ai souffert, je m'accroche, je me bats chaque jour pour sortir du lit. Si tu savais ce que je ressens au fond de moi. On ne laisse pas douze ans de sa vie derrière soi.

Lui lançant un regard hautain, Adeline enchaîna :


- Tu me lances ça à la figure, alors que tu héberges une parfaite inconnue qui joue les amnésiques ! Tu la préfères à ta propre famille c'est pathétique !

- Ça suffit ! Cria Helena impuissante devant de telles accusations.


Je ne préfère personne, je suis comme ça j'aime aider, si tu savais comme c'est bon d'aider les gens autour de soi. Si tout le monde pouvait tendre une main à toutes ces personnes dans le besoin, le monde serait bien meilleur.


- Tu es une idéaliste, ma pauvre jamais la vie sera comme cela !


- Si tu n'es pas contente de ma façon de vivre, la porte est grande ouverte.


Aussi tôt, avoir prononcé ses mots que la jeune femme s'en voulu, elle ne voulait pas en arriver là. Mais sa cousine l'avait blessée.


- Je t'en prie Helena fit une Adeline surprise et triste à la fois, ne me rejette pas je n'ai que toi.

Gênée, Helena fit quelques pas en direction du réfrigérateur pour commencer le repas du soir.


- Je vais commencer le repas du soir, Julian doit en avoir fini avec Lizzie. La pauvre doit avoir faim, elle n'a rien voulu manger.


- Tu ne trouves pas que cette fille est étrange ?


- Non pourquoi ? Elle a juste besoin de temps et tout rentrera dans l'ordre.


- Tu ne me congédies pas ?


- Non tu peux rester, la maison est bien grande pour nous trois.

Adeline qui ne voulaient pas en rester là dit timidement :


- Ton ancienne maison ne te manque pas ? Tu y passais encore tes week-ends...


- Je vais la vendre dit d'un ton neutre une Helena qui s'empressa de mettre le mixeur en route pour couvrir les tremblements de sa voix.


Elle aimait « la maison bleue », elle l'avait appelée ainsi parce que pour elle le bleu était une couleur chaleureuse, douce et paisible. Certains pensent que cette couleur éloigne le mal, mais malgré les bons moments passés avec « lui », le mal avait finit par les séparer. La douleur avait envahi leur doux foyer et elle l'avait perdu pour toujours.

Surprise par la décision que venait de prendre sa cousine, Adeline stoppa net la préparation de son café.


- Tu vas vendre la maison que tu aimes plus que tout. Pourquoi ?


- Tu ne me reproches pas souvent de me prendre en main ? D'avancer ?


- Si mais...

- C'est décidé, d'ailleurs j'ai un acheteur potentiel.


- Puisque tu le souhaites, je n'ai pas mon mot à dire. Mais il en pense quoi ?


- Je ne sais pas, je ne lui en ai pas touché un mot, mais de toute façon c'est à moi que papa l'a légué.


En pensant à « Lui » Adeline trembla, si elle savait ce qu'elle lui cache Helena la mettrait à la porte sur-le-champ.

- Il faudra te décider de rendre tout cela officielle et à reprendre ton nom de jeune fille fit Adeline d'un ton grave.


Consternée, Helena faillit laisser tomber la casserole qu'elle avait dans les mains.


Elle portait toujours son nom et elle n'avait jamais envisagé à ce que cela change.


- Je n'y ai pas songé dit-elle un peu mal à l'aise. Je ... Je n'ai pas pensée au divorce, voilà un an que nous sommes séparés et je...


- Prend ton temps fit Adeline d'un ton compatissant, rien ne presse.


En réalité, pour Adeline c'était plus important que pour Helena une fois qu'elle en aura fini avec sa vie d'avant, elle pourra lui avouer son lourd secret. Mais là, il faudra encore qu'elle lui mente. Combien de temps cela allait-il durer ?

Dans la chambre de Lizzie


Lizzie se regarda dans le miroir, elle faisait face à ce visage qui lui semblait inconnu. Qui était-elle ? Comment était sa vie d'avant ? Elle ne le savait pas. Mais ce qui lui déplaisait le plus c'est son âge de 16 ans elle était passée à l'âge de 25 ans. Comment pouvait-on subir un tel changement sans se sentir mal intérieurement ?


De sa vie d'avant, elle avait tout oublié. Elle ne savait rien, qu'une femme devrait savoir. Elle n'était rien. Comment expliquer cela ? A qui ?

Alors, oui quand Helena l'avait prise sous son aile, elle n'avait pas pu refuser. Une chose est certaine, peu de gens auraient fait ce que cette jeune femme avait fait envers elle. Helena était un ange, du moins pour une mortel, elle en avait toutes les qualités : douce, aimante, patiente et dévouée pour son prochain.


Lizzie eut honte de ne pouvoir lui dire quoi que ce soit. Elle n'aimait pas mentir, ça n'avait rien à voir avec un futur ange destiné à vivre au paradis.

Toc,toc,toc


Julian frappa à la porte énergiquement. S'il était là c'était pour examiner la jeune fille que Helena avait recueilli dans le parc. En tant que médecin, il avait cru bon de venir en aide à cette dénommé Lizzie puisqu'on lui avait promis de ne pas la conduire à l'hôpital. Aussi, après un examen approfondi, il l'avait laissé s'habiller pendant qu'il était parti mettre son matériel dans sa voiture.


N'ayant pas de réponses, il dit un peu pressé :


- Etes-vous décante, j'aimerais m'entretenir avec vous.

Lizzie sursauta en entendant la voix du médecin de « la famille » comme avait dit Helena pour la convaincre de se faire examiner.


- Un instant, bafouilla la jeune fille tout en s'installant confortablement dans le lit pour ne pas l'affronter de face.

Sans attendre, Julian septique rentra. Il se posait beaucoup de questions sur cette inconnue : Pourquoi avoir accepté l'offre d'Helena ? Que veut-elle ? Peut-on lui faire confiance ? Et surtout Pourquoi n'a-t-elle aucun souvenir ?

Pourtant, quand on prend le temps de regarder Lizzie, la douceur émane d'elle. Elle semble si innocente qu'on lui accorderait le bon dieu sans concession. Comment Helena aurait-elle pu ne pas lui venir en aide ? Depuis le temps qu'il connaissait Helena, il savait qu'elle avait le coeur sur la main et que personne ne pouvait lui faire changer d'avis. Bon ou mauvais pour elle chacun avait sa chance.

Elle était si crédule... Chassant les pensées de sa tête, il dit d'un ton professionnel :


- J'ai beau retourner le problème dans tous les sens, je ne vois pas ce qui peut vous causer une perte de la mémoire. Si vous n'avez pas eu d'accident ou de coma... J'aimerais vous envoyer chez un confrère.


- Non je ne veux pas fit une Lizzie paniquée, je... S.v.p.

Devant l'air paniqué de la brunette, Julian capitula. S'avançant à ses côtés, il l'observa. Elle essayait d'être calme, mais il savait qu'il en était rien.


- J'aimerais au moins vous recommander un Psy, parler peut vous aider à vous souvenir de nouveau.


Plaçant un sourire de circonstance sur son visage, Lizzie répondit en fuyant son regard :


- Je vous remercie, j'irais le voir.

Doutant qu'elle le ferait, il dit avec toute franchise :


- Vous ne pourrez pas dépendre d'Helena indéfiniment. Il ne faut pas profité de sa naïveté.


- Je... ne comprends pas balbutia Lizzie honteuse.


Croisant les bras contre son torse, Julian dit :


- Helena est une femme douce et sensible, elle donne sans compter. Mais je ne tolérais pas que vous profitiez de sa bonté.

Se levant brusquement, la jeune fille ne voulait pas se faire traiter de « pique assiette » plus longtemps.


- Qui êtes-vous pour me juger aussi injustement ?


- J'ai mes raisons !


- Oh oui ! Lesquelles ? Je ne suis pas ce que vous croyez, je suis ici pour une raison qui ne regarde que moi.

Furieux par sa franchise, Julian dit durement :


- Je vous ferais partir pour le bien d'Helena, je ne laisserais personne lui faire du mal !


Passant les bras autour d'elle comme pour se protéger, Lizzie eut de la peine. Elle ne voulait du mal à personne, elle cherchait juste la personne qui lui était destinée, celle qu'elle devait aider...

Puis avant de quitter la pièce :


- Je ne suis pas naïf comme Helena, je compte bien mener ma petite enquête sur vous. Jouer les amnésique c'est-une bonne idée, mais ça ne dure qu'un temps.


- Pourquoi êtes-vous si... dur ? Murmura Lizzie.


- La vie ne m'a pas fait de cadeau, mais moi je reste lucide.


Puis, il quitta la pièce en laissant la porte claquer derrière lui.


Des frissons parcourent le dos de la jeune fille, elle venait de se faire un ennemi.

Julian resta un long moment dans le couloir sans oser avancer de peur de croiser Helena. L'odeur alléchante d'une sauce au fromage chatouilla ses narines. Il en eut l'eau à la bouche. Les bons petits plats de la jeune femme lui manquaient.


- Julian Fit une jeune femme surprise en le voyant dans l'entrée.


- Je vais partir, j'en ai fini avec Lizzie.

- Je te remercie, Lizzie est un peu perdu et ça m'inquiète.


- Plus que les gens qui comptent pour toi je suppose ! S'exclama un Julian bien trop énervé pour se contrôler en sa présence.


- Je... Non... Bredouilla la blonde peu sûre d'elle.


- J'ai compris depuis longtemps, Helena... Je vais te laisser, bonne soirée.

- Je ne suis pas comme tu le crois insista Helena pour se justifier. Je voudrais faire la paix Julian, tu comptes beaucoup... Je...


- Arrête Helena, je ne peux plus entendre de telles choses. Mieux vaut en rester là, ça finira par encore me mettre hors de moi et je dirais des mots que je ne pense pas.

Julian quitta la maison laissant une Helena bouleversée comme à son habitude. Jamais elle n'aurait cru que cela serait si dur de vivre sans lui... Il était tout pour elle, son ami, son mari, son confident, son amant ... et aujourd'hui ils étaient deux étrangers. Elle n'avait plus la force de faire semblant, plus la force de se cacher derrière son masque...

Alerté par le bruit des cris et de la porte qui claque, Lizzie alla rapidement voir ce qui se passait. Elle trouva Helena en larme.


- Helena ça va ?


- Oui mentit-elle en chassant ses larmes du revers de la main.


- Je suis sur du contraire, je suis votre amie Helena. Vous pouvez tout me dire.

Se jetant dans les bras de son « amie », Helena pleura à chaude larmes.


- Je ne peux plus vivre ainsi, ma vie et si compliquée, je voudrais pouvoir tout recommencer. Je voudrais pouvoir me dire que la vie est belle qu'elle mérite d'être vécue... Mais sans Lui, je ne peux plus... Je voudrais mourir, je ne suis d'ailleurs plus qu'une âme en peine je...


Les sanglots empêchèrent la jeune femme de continuer. Aussi, Lizzie dit d'une voix doucereuse :


- Je ferai tout pour vous aider Helena. Vous n'êtes plus seule, bientôt tout changera, je vous le promets.

« On fait souvent des promesses, comme pour se rassurer, comme pour se promettre d'un avenir meilleur. Faut-il les tenir ou non ? Une chose est sûre, je compte bien tout faire pour réussir quoi qu'il m'en coute... »